Le Samusocial de Paris gère des centres d’hébergement d’urgence qui accueillent des familles avec enfants. Bonne alternative à l’hébergement à l’hôtel, ces établissements sont plus respectueux de l’intimité familiale et garantissent le soutien d’une équipe sociale sur place. L’ouverture sur le quartier et l’offre d’activités sont des bons leviers dans un parcours de réinsertion.
350 enfants sont ainsi hébergés par le Samusocial de Paris dans 6 centres d’hébergement d’urgence (CHU) dédiées aux familles. Rencontre avec Violaine Menut, chargée de mission Enfance et Familles du pôle hébergement et logement du Samusocial de Paris.
Pouvez-vous nous parler de la vie quotidienne des enfants hébergés par le Samusocial de Paris ?
Violaine Menut : Si, à l’origine, les centres d’hébergement d’urgence accueillaient plutôt des personnes isolées, certains ont été spécialement conçus pour accueillir des familles. Les locaux sont adaptés et il y a une équipe pour accompagner les familles dans leurs démarches.
Dans les centres d’hébergement, les enfants sont scolarisés au sein des écoles de la ville. Souvent ils se rendent compte des particularités de leur situation dès l’école primaire !
Par exemple, même si cela est pourtant possible dans les centres d’hébergement, ils ne souhaitent parfois pas inviter des copains chez eux, ou pas fêter leurs anniversaires au centre.
A mon sens, le plus marquant pour certains enfants, qui, comme tous les autres, sont des éponges en ce qui concerne les émotions, c’est de vivre dans une ambiance qui n’est pas sereine. Souvent contraints par des situations administratives complexes ou par des problématiques personnelles dues à leurs parcours, les parents sont en effet très soucieux, ce qui n’est pas très sécure pour les enfants. Ajouté à l’exiguïté des espaces de vie, cela se fait forcément ressentir sur le bien-être des enfants.
Il faut imaginer qu’ils vont grandir dans les établissements du Samusocial de Paris car l’entrée dans le logement peut parfois mettre des années.
C’est à nous de tout mettre en œuvre pour leur assurer un développement harmonieux. Quand nos établissements ont des jardins, c’est parfait pour le développement moteur, par exemple. Les activités culturelles ou sportives qui sont parfois proposées aux enfants et à leurs parents sont aussi très enrichissantes. Il faut, en parallèle, que nous accompagnions les familles dans leur parentalité. Leur charge mentale permanente est parfois un frein dans le lien avec leurs enfants, ces derniers ne se voient pas proposer beaucoup de temps de jeux, de chansons, ou de détente par leurs parents.
Au sein des centres d’hébergement d’urgence du Samusocial de Paris, les enfants sont bien accueillis mais cela ne devrait être que temporaire, en effet 4 ou 5 ans de présence en centre d’hébergement est beaucoup trop long.
Quelles sont vos missions ?
L’enfant est une personne, sujet de droit, acteur à part entière de la société.
Nous devons faire en sorte que son intérêt supérieur soit considéré dans toute décision qui le concerne.
La mission consiste à promouvoir et défendre les droits de l’enfant garantis par la Convention internationale des droits de l’enfant et à mettre en place les moyens nécessaires à une prise en charge globale des enfants, et des familles, en étant une « personne ressource » pour les équipes des six centres d'hébergement d'urgence.
Evidemment, nous commençons par un état des lieux puis, la mission m’amènera à coordonner divers projets à établir en fonction des CHU (des partenariats avec les villes, les PMI, l’Aide sociale à l’enfance, les associations de quartier…), à proposer des actions de prévention et de soutien des familles, à favoriser la participation et le recueil de la parole de l’enfant.
Les professionnels sont en charge de l’accompagnement social des familles (santé, situation administrative…) et nous devons aussi porter une attention particulière à ces très nombreux enfants qui grandissent dans des situations assez inédites dont on ne connaît pas les effets psychiques dans le temps.
Et cela est encore plus vrai à l’hôtel, hélas !
A l’occasion de la Journée des Droits des Enfants, qu’avez-vous envie de nous dire ?
Avec cette mission, nous allons dans le bon sens : la prise en compte particulière du développement de l’enfant dans des structures d’hébergement d’urgence. Les termes de prévention et protection sont essentiels. S’assurer que tous les enfants soient scolarisés est une priorité.
D’autre part, j’aime bien le mot « évasion ». Sortir par exemple de leur quotidien ou plutôt le vivre comme les autres enfants, sans endosser les problématiques vécues par leurs parents. Nous avons la chance de pouvoir compter, en région parisienne, sur un tissu associatif dense sur lequel nous pouvons nous appuyer.
La mise en œuvre d’actions de prévention est également importante, tout comme les sorties en familles pour partager des découvertes ensemble.
Si je pouvais proposer quelque chose ce serait davantage de place en structures d’accueil petite enfance pour les enfants de 0 à 3 ans. C’est une période déterminante pour la construction des petits, et souvent les enfants hébergés rentrent à l’école à 3 ans, sans avoir eu beaucoup l’opportunité d’être aux contacts d’autres enfants ou adultes, ou encore d’accéder à divers jeux, chants, etc.
Il existe des classes de toute petite section à Ivry-Sur-Seine qui accueillent les enfants à partir de deux ans. Pour l’éveil, la sociabilité, cela est très intéressant.
Un dernier mot ?
Si je devais choisir un mot ce serait "avenir". Quel avenir pour ces enfants ? Quand leurs parents se démènent face au système administratif et attendent un logement des années, quand ils doivent grandir des années en centre d’hébergement ou en hôtel, qu’en retiendront-ils ? En étant à leurs côtés, en les considérant comme des personnes à part entière, donnons-leur toutes les chances de se développer harmonieusement, car ils sont les adultes de demain, ils sont l’avenir.