Depuis bientôt deux ans, le Camping Care, un salon de bien-être et de beauté itinérant, parcourt les haltes et accueils parisiens, prodiguant des soins aux femmes sans abri dont la précarité et l’urgence dans laquelle elles se trouvent, les empêchent de s’accorder du temps pour elles. Retour sur un dispositif innovant, partenaire du Samusocial de Paris.
Outre les violences physiques auxquelles elles sont exposées, les femmes ayant vécu à la rue souffrent encore plus que les hommes de l’incapacité de pouvoir prendre soin de leur corps. Ce manque contribue à miner leur estime d'elle-même, dont dépendent parfois le désir et l’espoir d’améliorer leur condition.
Conscient de la vulnérabilité de ces femmes, l’association Camping Care a donc décidé de se consacrer entièrement à leur bien-être, dans la perspective de pouvoir garantir à toutes l’accès aux soins esthétiques.
Awa, hébergée à la Halte de l’Hôtel de Ville et rencontrée à l’occasion d’un soin pour le visage au Camping Care nous a ainsi confié : “On en a vraiment besoin, parce qu’il te manque le temps de prendre soin de soi. En fait, t’as pas le temps. Tu te dis j'ai là où dormir, je mange, c’est l'essentiel. Je prends une douche tous les matins, mais le reste, prendre soin de toi, ça te manque.”
Composé de 7 socio-esthéticiennes et socio-coiffeuses, le Camping Care propose des soins variés, parmi lesquels des soins capillaires, des manucures, des soins pour la peau et des massages. Cependant, au-delà de l’apparence physique, ces soins sont surtout destinés à reconstruire la confiance en soi des femmes qui les reçoivent. Ils sont aussi l’occasion pour elles de s’accorder un temps de répit pour leur corps et leur esprit, et de se livrer si elles le souhaitent, à l’écoute attentive des socio-esthéticiennes. Ainsi, pour Chloé, socio-esthéticienne : ”Ce sont des personnes qui ont une image très altérée de leur corps, de leur personne. En tant que socio-professionnelles, notre rôle est de pouvoir aider à réparer cette image, et de redonner confiance en soi, en faisant des soins, et en donnant à la personne, l'habitude de prendre soin de sa peau, de ses cheveux. Il y en a qui ont beaucoup besoin d'écoute, d'échange, qui sont très preneuses de ces temps-là, parce que le lien social s’est perdu et là, on est vraiment à leur écoute totale, vraiment disponible. Il y a même des débordements émotionnels. Il arrive qu’une femme qui vient à peine d'arriver s'assoie et pleure.”
Il est vrai que tout est fait, dans le Camping Care, pour que les femmes se sentent à l’aise. Le Van, dont la surface réduite a parfaitement été aménagée, est un cocon rassurant, apaisant et propice à la détente : “C'est vraiment une ambiance cocooning" déclare El Haroua, "On se sent vraiment bien, c’est cosy.”
Lorsque la première femme inscrite pénètre dans le Camping Care, elle se voit d’abord offrir une trousse de produits de beauté qui lui permettront de continuer à prendre soin d’elle, l’objectif étant aussi de réapprendre à aimer s’occuper de soi. L’association peut également proposer parfois des sous-vêtements. Ces produits permettent en outre à la socio-esthéticienne d’établir un premier lien de confiance, puisque certaines femmes se montrent parfois méfiantes lors du premier contact. Cette prise en compte de la fragilité est le fil conducteur de la consultation, c’est pourquoi les professionnelles adaptent leurs soins à la sensibilité de chaque femme qu’elles reçoivent. Chloé nous confie ainsi : “Des fois on peut aussi passer par le soin des mains pour démarrer, parce que c'est des zones qui sont moins intrusives, quand certaines sont un peu plus réfractaires au toucher, quand elles n'ont pas été touchées depuis très longtemps.”
Une façon de ne plus se cacher, car comme le dit Ketawa : “J’avais honte de sortir avec ce visage, mais grâce à eux, je suis fière maintenant, j’ai la tête haute quand je marche. Quand je quitte là, ma tête est vide, rien que du bonheur. ”