Circulaire du 23 janvier du ministre de l’intérieur : un durcissement des règles qui précarise encore plus une partie de nos publics
07 Feb 2025 • ActualitéLe Samusocial de Paris, qui intervient auprès des personnes sans domicile tout au long de leur parcours, constate chaque jour la précarité subie par les personnes étrangères les plus pauvres, qui peinent à faire valoir leur droit au séjour.
Vivre « sans papiers, » en attendant d’avoir un rendez-vous à la préfecture ou de déposer un dossier de plus en plus complexe à réunir lorsque l’on est sans domicile, c’est être condamné à :
- Vivre sans revenus stables, le plus souvent en subissant une surexploitation par le travail. Pour survivre et pour s'intégrer, de nombreuses personnes dites "sans papiers" travaillent, de manière déclarée ou non. Face à la pénurie de main d'œuvre observée sur l'ensemble du territoire et surtout en Ile-de-France, elles sont nombreuses à occuper les emplois indispensables de première ligne et participent activement à l'économie française. Parce qu’elles n’ont pas de titre de séjour, elles sont particulièrement vulnérables et exposées aux violations du droit du travail.
- Vivre sans domicile stable, à la rue, ou dans des lieux indignes, en attendant une place dans un hébergement d’urgence saturé. Les personnes sans papiers sont la proie de propriétaires peu scrupuleux louant des logements indignes - ceux que l'on appelle les marchands de sommeil - ou des hébergeurs soutirant des contreparties en nature ou alimentant des réseaux (prostitution, esclavage moderne, mendicité).
Cette extrême précarité, dangereuse pour les personnes concernées, sera renforcée par la circulaire du 23 janvier 2025 du ministre de l'Intérieur qui invite les préfets à avoir une approche plus restrictive des possibilités d'admission exceptionnelle au séjour prévues par la loi. Abrogeant la « circulaire Valls, » le texte du 23 janvier 2025 exige sept années de présence en France contre cinq précédemment et recommande de demander une certification en langue française.
Le Samusocial de Paris pointe les conséquences néfastes de cette circulaire sur les personnes qu’il accompagne et sur la situation de l’hébergement d’urgence :
- Des personnes qui résident en France vont vivre dans une extrême précarité encore plus longtemps. Ces personnes sont souvent des familles avec des enfants scolarisés en France.
- Des milliers de personnes sans logement vont être maintenues en hébergement d’urgence plusieurs années supplémentaires, alors même que le Samusocial de Paris fait le constat quotidien de la saturation de l’hébergement.
- Le nombre de personnes sans domicile augmentera, alors qu’il est déjà estimé à 350 000 par la Fondation pour le logement des défavorisés
- Les dépenses d’Etat en matière d’hébergement d’urgence augmenteront, en contradiction avec la politique de Logement d’Abord
En même temps qu’elle durcit les exigences en matière d’intégration pour obtenir un titre de séjour, la circulaire renforce les conditions de l’impossibilité de l’intégration : comment exiger de personnes sans ressources, ni stabilité, qu’elles obtiennent un diplôme attestant de leur niveau de français ? comment s’intégrer pleinement à la société française quand on ne peut ni travailler ni se loger ?
La théorie de « l’appel d’air » selon laquelle durcir les conditions d’accueil d’un pays désinciterait les personnes exilées à se rendre dans ce pays est un fantasme constamment démenti par la recherche : cette circulaire n’aura aucun impact sur les flux migratoires. En revanche, elle aura pour conséquence concrète de freiner l’intégration à la société française, en empêchant des personnes de travailler et se loger, d’augmenter ainsi la précarité imposée des personnes étrangères sur le territoire, et par ricochet d’alimenter les discours d’extrême droite qui stigmatisent les personnes accompagnées par le Samusocial de Paris.