Le Samusocial de Paris a inauguré son 7ème Centre d'Hébergement d'Urgence, Les Sorins, à Montreuil (93) le 24 septembre dernier. Un moment de partage riche en émotions pour les 16 familles qui y sont hébergées et l’équipe de cette nouvelle structure dynamique et foisonnante de projets.
Crédits photos : Gilles Delbos - Mairie de Montreuil
Ce samedi matin de septembre, la rue des Sorins, à Montreuil est à la fête ! Près de 80 personnes se pressent devant un immeuble du XIXème siècle, entièrement rénové, qui abrite le nouveau Centre d’Hébergement d’Urgence du Samusocial de Paris, le 7ème établissement de ce type, le premier implanté en Seine-Saint-Denis.
Fier·es de leur nouveau toit
Les nombreux acteurs et partenaires de cet ambitieux projet sont rassemblé.es. Les familles, d’abord, sont toutes présentes - jeunes parents, bébés, enfants de tous âges - fier·es de leur nouveau toit. Puis les partenaires du projet : la ville de Montreuil, qui a cédé l’immeuble en deçà du prix du marché, Caritas Habitat, le bailleur solidaire qui l’a acquis puis rénové, le Samusocial de Paris, aujourd’hui locataire, qui y loge et accompagne les 16 familles et enfin, l’Etat qui finance le fonctionnement. Plusieurs riverain.es ayant suivi le projet et les travaux (coût : trois millions d'euros, travaux et achat du foncier compris) qui ont duré un an et demi, sont également venu.es partager ce moment festif et émouvant. Etaient présent.es aussi, des salarié.es de l’entreprise QBE qui ont donné un sérieux coup de pouce, bénévolement, pour l’aménagement du centre.
« Ce n'est pas la première fois que Montreuil ouvre une structure d'accueil pour les plus précaires, et ce ne sera pas la dernière ! Les villes doivent accueillir la population française dans toute sa diversité. Chacune et chacun compte », Patrice Bessac, maire de Montreuil, président d’Est-Ensemble.
Des appartements équipés et une vie collective possible
Une fois le traditionnel ruban tricolore coupé par les officiel·les et l’une des familles, pour marquer l’inauguration du lieu, les invité.es entrent dans l’immeuble et se dirigent vers la cour intérieure où vont se tenir les discours. Après les prises de parole, du préfet Jacques Witkowski, du maire de Montreuil, Patrice Bressac, du président du Samusocial, Alain Christnacht et de la directrice générale de Caritas Habitat, Samuelle Coué, la fête commence ! Buffet, exposition de photos du CHU « avant/après les travaux », animation contes pour les enfants… Un studio photo est improvisé dans la cour intérieure de l’établissement, les familles viennent prendre la pose, souriantes et détendues. Les photos imprimées leur seront remises, en souvenir de la journée.
« Le partenariat avec Caritas Habitat nous a permis de travailler à la cession de cet immeuble à un prix en deçà du prix du marché dans le cadre de la loi, et ainsi réhabiliter ce logement. Il était évident pour nous qu'il fallait s'inscrire dans une dynamique sociale comme on l'a toujours fait sur le territoire de Montreuil en favorisant l'accès au logement pour toutes et pour tous », Gaylord Le Chequer, premier adjoint au maire de Montreuil.
Crédits photos : Gilles Delbos - Mairie de Montreuil
Un nouveau départ
L’installation des familles s’est faite progressivement depuis l’ouverture du CHU au mois de mai dernier. Les appartements, des deux pièces de 28 mètres carrés en moyenne, totalement rénovés, sont équipés d’une cuisine, d’un salon, d’une chambre, d’une salle d’eau et de toilettes. Les travaux ont porté sur l'intégralité des planchers des logements, la mise en place d’une isolation thermique du bâti, les menuiseries extérieures, le ravalement, la mise aux normes de l’électricité des appartements et des parties communes.
Les familles, dont la moitié sont des femmes seules avec un ou deux enfants, ont toutes eu des parcours très difficiles. En raison des conditions d’hébergement dans lesquelles elles se trouvaient avant leur arrivée aux Sorins, d’une part. Certaines sont ainsi restées plusieurs années à l’hôtel. Sarah, 32 ans, et Moussin, son mari, 36 ans, sont arrivés en France il y a 3 ans. Pendant 3 jours, ils vivent dans la rue. Pris en charge par le Samusocial de Paris, ils seront hébergés pendant 3 ans dans un hôtel à Montreuil où naitra leur première fille, aujourd’hui âgée de 6 ans. Sarah se souvient : "C'était très dur. On ne pouvait rien faire tous les trois dans une toute petite chambre. Parfois, j'allais en accueil de jour pour cuisiner quelque chose de chaud, mais la plupart du temps, on mangeait des sandwichs achetés ou ce qu'on trouvait". La situation est devenue plus pénible encore lorsqu’elle attendait sa deuxième fille : "J'ai vécu la grossesse dans une chambre d'hôtel, sans savoir comment on allait vivre ou plutôt survivre le lendemain, je mangeais juste pour nourrir mon bébé et avoir quelque chose dans le ventre à lui donner. Aujourd'hui, on revit. On a un vrai toit, une vraie cuisine où je peux préparer ce que mes enfants aiment manger !"
Le parcours de ces familles a également été très difficile en raison des conditions dans lesquelles elles ont quitté leur pays. Ainsi, Mohamed, 30 ans, et Sonia, 26 ans, un couple qui a fui la Côte d’Ivoire pour pouvoir se marier et éviter l’excision de leur fille. Mohamed est musulman et Sonia, chrétienne et leurs familles se sont opposées au mariage. Quitter le pays était donc la seule solution. Une fois arrivés en France, le couple est resté deux jours à la rue, puis a appelé le 115. Placés dans un hôtel, ils y resteront plusieurs mois avant d’emménager aux Sorins avec leur petite fille aujourd’hui âgée de 8 mois. Sonia, raconte : "Lorsque j’ai découvert la cuisine, la table à manger, je n’en revenais pas ! La première fois qu’on est restés seuls tous les trois dans l’appartement, on a dansé, on était fou de joie !"
« C’est le SIAO 93 qui assure la désignation des personnes hébergées. Auparavant, les familles étaient hébergées à l’hôtel. Si l’hébergement à l’hôtel permet de mettre à l’abri des familles qui seraient à la rue, c’est une solution qui n’est pas satisfaisante, surtout quand elle se prolonge pendant de longs mois. Les chambres ne permettent pas un accès à l’autonomie ni une vie collective. C’est donc pour les résidents une situation bien meilleure que cette vie dans des appartements équipés et avec une vie collective possible dans les espaces du premier niveau », Alain Christnacht, président du Samusocial de Paris.
Une équipe soudée
"Les familles trouvent ici un cadre de vie plus apaisé qu’à l’hôtel. Elles peuvent se réapproprier leur intimité", souligne Yenifer Lema, responsable du CHU dont le bureau est installé au rez-de-chaussée. Il y a néanmoins un cadre à respecter : "Le centre reste une structure collective, les résidents signent un contrat de séjour, il y a un règlement intérieur", rappelle-t-elle. La responsable connait bien le parcours de tou.tes les résident.es. "La plupart des familles qui sont ici veulent trouver un logement et construire une vie comme tout le monde. Mais chaque cas est différent. Pour les personnes qui n’ont pas de papiers, le parcours sera plus long. C’est pour cela que l’on propose un accompagnement global", poursuit-elle. Elle y travaille avec Karina, intervenante sociale. La mission de l’équipe de Yenifer est de réaliser un accompagnement social adapté, déterminant pour l’avenir des familles. A commencer par l’accompagnement aux démarches qui vont faciliter leur insertion.
Très proche des familles, Karina les rencontre régulièrement "pour voir si tout va bien et comment évolue la dynamique familiale." C’est elle qui coordonne l’accompagnement aux démarches : "ouverture de droits sociaux, inscription aux cours de langue, régularisation en lien avec le service juridique, recherche d’emploi et de formation, préparation de CV en lien un conseiller en insertion qui vient deux fois par mois, aide à la parentalité et tout simplement accompagnement de tous les jours… De nombreuses familles ont vécu à l’hôtel pendant de longues années et ne savent pas forcément se servir des équipements", précise Karina. Kamel, agent de nuit et Sira, stagiaire monitrice éducatrice viennent compléter l’équipe, leurs missions les amenant à être également très proches des familles.
L’organisation de l’espace du CHU permettra également de créer du lien. Ainsi, au rez-de-chaussée, une grande salle collective est à la disposition de tous les résident.es pour pouvoir se rencontrer et échanger. "Cet espace peut être dédié à plein d'événements différents : goûter d'anniversaire pour les enfants, cours d'apprentissage de la langue française pour les résidents, mais aussi y rencontrer un conseiller en insertion professionnelle ou encore un juriste du Samusocial de Paris", indique Yenifer qui a organisé la semaine passée une réunion avec tou·tes les résident.es afin de construire avec eux le projet de l’établissement. C’est en recueillant leurs besoins, leurs idées, leurs envies que se bâtira ce projet. L’avenir du Centre d’hébergement d’urgence et de toutes les familles qui y vivent va donc s’écrire à partir de maintenant.
"L’objectif, avec la création de ce centre, c’est de fermer des places en hôtel social. Aujourd’hui, elles représentent plus de la moitié de l’hébergement en Ile-de-France pour une durée moyenne de séjour de deux ans et demi. A côté de cela, les centres d'hébergement sont saturés. Les places sont en nombre insuffisants, notamment dans un département comme la Seine-Saint-Denis", Vanessa Benoit, directrice générale du Samusocial de Paris.
Aller vers un logement social
Le projet du CHU est d’abord d’accompagner les familles dans leurs nouvelles conditions de vie mais aussi de les préparer à habiter dans un logement social en toute autonomie, l’hébergement d’urgence ne pouvant pas être considéré comme une solution durable. Pour préparer les résident.es à leur départ, les équipes du Samusocial les accompagneront pour régulariser leur situation administrative, trouver un emploi et rechercher un logement. L’objectif gouvernemental du « Logement d’abord », c’est-à-dire de la rue au logement sans passer par l’hébergement, que nous défendons, est mobilisateur mais difficile à atteindre à son niveau d’ambition actuel Aujourd’hui pour un grand nombre de familles, la prise en charge la plus réaliste reste l’hébergement d’urgence avec pour objectif de réduire au minimum le séjour en mobilisant l’ensemble des ressources du Samusocial et des personnes accompagnées pour un accès au logement sécurisé.