Durant deux ans, Raimot a intégré le programme ELAN du Samusocial de Paris, qui permet à des réfugiés d’être hébergés dans une famille accueillante. Elle nous raconte son expérience.
J’ai quitté le Nigéria à l’âge de 17 ans. C’était une question de vie ou de mort. Dès l’âge de 8 ans, j’ai su que je préférais les filles. C’est interdit au pays. Ma mère, chrétienne, mon père musulman, et mes nombreux frères et sœurs ne m’ont pas soutenu.
Je suis arrivée en France en 2014, sans connaître un mot de français et sans papiers sur moi. Après avoir échappé à la prostitution, je me suis réfugiée dans le métro quelques temps avant d’être arrêtée. On m’a ensuite orienté vers des associations telles que la Cimade, l’Amicale du Nid et France Terre d’Asile. J’ai finalement obtenu l’asile en avril 2016. Hébergée d’hôtel en hôtel, je me sentais très seule et sans point d’ancrage… jusqu’à ce que j’intègre à 20 ans le programme ELAN du Samusocial de Paris.
La cuisine, une passion partagée
D’octobre 2016 à novembre 2017, j’ai posé mes valises chez Daniel et Nina, un couple installé à Tremblay-en-France que j’ai fini par appeler « papa et maman ». Elle m’a appris le français, il m’a transmis son amour pour la cuisine. En vivant avec eux, j’ai découvert les coutumes et les traditions françaises. La soupe aux légumes du soir, la raclette et la blanquette de veau l’hiver, les barbecues et la ratatouille l’été. On faisait tout ensemble. J’étais surtout très proche de Daniel : on allait au théâtre et au cinéma, on faisait les courses le samedi. Il donnait souvent des produits aux banques alimentaires et à la Croix-Rouge ; maintenant que je travaille, je leur en donne aussi quand je le peux.
Pendant ce temps, j’en ai profité pour avancer. Avec ELAN, j’ai consulté une psychologue et l’assistante sociale m’a beaucoup aidé dans toutes mes démarches administratives, mais aussi pour construire un projet professionnel et trouver une formation. J’ai suivi des cours de français durant quelques mois, avant d’entamer un double cursus en auxiliaire de vie et en cuisine. Puis j’ai commencé un CAP cuisine en septembre 2017.
Dernière étape avant l’indépendance
Après un an de vie commune, il a fallu partir et quitter la famille, le programme ELAN ne durant qu’un an. A mon départ, Nina m’a rassuré : je pouvais appeler ou revenir quand je le voulais, leur porte serait toujours ouverte. J’ai décidé de poursuivre le programme un an de plus pour pouvoir passer mon CAP. L’occasion de rencontrer Valérie et son compagnon au mois de novembre, « maman et papa 2 ».
Cette fois, c’était différent. J’avais une chambre à moi avec un coin cuisine au 7e étage d’un immeuble parisien ; la famille habitait au 2e. On ne partageait que la salle de bain, l’idée étant de devenir peu à peu indépendante et de me préparer à vivre seule. Parfois, on ne se voyait pas pendant deux semaines mais quand on le pouvait, on discutait et on partageait un repas ensemble.
Ces deux familles m’ont aidé à trouver des stages, puis des extras en restauration. Mon CAP cuisine en poche, j’ai pu décrocher un CDD à l’Hôtel Ibis. Grâce à l’assistante sociale, j’ai aussi commencé à faire des extras à la Résidence, un food corner de l’association Refugee Festival installé sur le site éphémère de Ground Control, dans le 12e arrondissement. Ils m’ont finalement proposé un CDI ! Le patron est très sympa et j’ai fait la connaissance d’une collègue avec qui je vais vivre en colocation dans un logement social. La deuxième année du programme ELAN venant de se terminer, je suis maintenant prête à me débrouiller seule. Un grand merci à toute l’équipe et aux familles, avec qui je resterai toujours en contact !