Les vies du Samusocial – portrait de Doussou | Samusocial de Paris
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Les vies du Samusocial – portrait de Doussou

10 Jan 2023 • Portrait

Doussou d’abord ce sont des yeux, curieux, volontaires et légèrement rieurs, qui traduisent sans doute sa manière de voir la vie avec une hauteur teintée d’une légère ironie ; parce qu’elle en a beaucoup vu et depuis toute petite, elle connaît la valeur des paroles et des rencontres. Pas de légèreté là-dessous, au contraire plutôt une confiance que l’on sent solide dès lors qu’elle consent à la donner, ce qui n’est sans doute pas chose aisée. 

Portrait du Samusocial de Paris

 

C’est parce que sa maman a pris la décision de venir en France alors qu’elle était âgée de 7 ans, que Doussou est là aujourd’hui. Car il fallait la soigner et son pays natal, la Guinée, n’était alors pas en capacité de le faire, or la petite risquait sa vie à y rester sans soins. « Traumatisme ». C’est ainsi qu’elle témoigne de son déracinement et de son arrivée en France « Je suis partie d’un pays où je connaissais tout et tout le monde, où je ne me suis jamais sentie seule. Je suis arrivée à 7 ans et demi dans un pays où il faisait froid, dépaysant, où l’on ne savait pas ce qui allait nous arriver le lendemain ».   Pour autant, ajoute-t-elle, « je mesure ma chance, parce que j’étais avec ma mère, je suis arrivée en avion, ce n’est pas le cas de beaucoup d’autres enfants ». 

On arrivait le soir et on devait plier bagages le lendemain matin

Sans solution d’hébergement, avec un petit frère nouveau-né quelques jours après leur arrivée, en plein mois de janvier, après avoir erré dans Paris à la recherche d’abris où passer la journée, ils ont finalement tous les trois été pris en charge par le Samusocial de Paris. Chaque jour hébergés dans un hôtel différent « on arrivait le soir et on devait plier bagages à 8h le lendemain matin », plusieurs solutions pérennes d’hébergement ont finalement été trouvée quelques jours plus tard, lorsque la famille a pu être suivie par une assistante sociale.  Mais le parcours a été rude pour Doussou, qui a dû très tôt prendre de nombreuses responsabilités pour venir en aide à sa famille « Je ressentais l’angoisse de ma maman, c’était quelque chose ». Ce n’est qu’à bientôt 9 ans, un an et demi après son arrivée en France que Doussou a pu retrouver une vie « normale » et aller à l’école régulièrement, le temps d’accomplir toutes les démarches administratives et sociales avec sa famille, mais aussi se soigner. Une période pendant laquelle elle a aussi dû soutenir sa maman qui assumait beaucoup de tâches et qui ne parlait pas français et ne savait ni le lire, ni l’écrire ; cette responsabilité de s’occuper des siens, Doussou ne cache pas en avoir longtemps éprouvé de la colère, « parce qu’aucun ado ne devrait avoir à porter autant de charges, en fait je n’avais pas le droit de flancher ». Alors même que la situation se stabilise, dans des hébergements plus pérennes, tout ne devient pas forcément idéal : « Je ne me suis pas tout de suite sentie intégrée par les autres élèves, je ne savais pas comment faire et comme je changeais souvent d’école en fonction des hôtels où l’on était hébergé, c’était compliqué ». 

Tout ce que j’avais refoulé jusque-là est ressorti 

Vaille que vaille Doussou s’est accrochée, tiraillée entre ses envies d’enfant puis de jeune fille et son combat pour « continuer la bataille tout en essayant de faire quelque chose de [sa] vie ». Ce n’est que tout récemment qu’elle s’est autorisée à lâcher la pression, un épisode personnel violent mais salutaire : « j’étais une bombe à retardement, j’ai commencé à avoir des crises d’angoisse, ça ne m’était jamais arrivé (…), c’est un coup du sort, un signal pour me dire « ça va pas se passer comme ça » et effectivement, tout ce que j’avais refoulé jusque-là est ressorti ». Accepter de ne pas être solide, exprimer ses doutes et ses faiblesses, sans culpabiliser ni se sentir responsable, c’est désormais comme cela que la jeune femme s’affirme en ne cachant plus ses failles, mais en les acceptant. Son expérience lui permet d’affirmer : « Toutes ces personnes qui viennent en France, comme ma mère et moi, ont une forte charge familiale, c’est toujours très compliqué de pouvoir dire non aux siens, qu’ils soient restés dans leur pays d’origine ou qu’ils soient en France, c’est comme un étau. Un soutien psychologique pour elles est nécessaire. »

Désormais sereine, fière et plus que jamais déterminée, Doussou avance. Titulaire d’un master en management, à 28 ans, elle est aujourd’hui sa propre patronne. La création de son entreprise «A la Bonne Sauce » participe pour beaucoup de son équilibre. Elle est traiteur avec sa maman, depuis un an et peut désormais « allier l’utile à l’agréable parce que j’ai toujours voulu faire ça et en même temps assurer financièrement quelque chose à ma famille, à ma mère, qui a toujours rêvé d’avoir un commerce et qui galère à trouver du travail ». Mais elle compte bien ne pas en rester là ! L’an dernier, à l’occasion d’un séjour en Afrique, elle a pris conscience qu’il fallait changer les choses, là-bas « Il y a du travail à donner aux gens, des écoles, des usines, des hôpitaux à ouvrir… j’aurai toujours beaucoup de gratitude envers la France qui m’a accueillie et qui a fait ce que je suis aujourd’hui, mais j’ai besoin de rendre la pareille ».


 


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