Les lois de 2002 et 2005 ont fortement transformé le travail social en mettant l’accent sur la participation active des usager·es, avec pour objectifs de favoriser l’exercice de la citoyenneté et de donner à chaque personne accompagnée la possibilité de contribuer significativement à la vie collective. Pour y parvenir, certains outils sont devenus obligatoires, comme les conseils de la vie sociale, des instances de participation qui permettent aux usager·es d'interroger et d'influencer le fonctionnement des institutions les accompagnant. La participation devient ainsi un levier essentiel pour permettre à chaque individu, quelles que soient sa situation sociale ou ses capacités, de jouer un rôle actif dans la création et le développement des services qui les concernent directement.
La volonté d’étendre ces mesures à toutes les personnes accompagnées
Légalement, ces mesures ne concernent que les personnes résidant en centre d’hébergement. Les personnes hébergées à l’hôtel ne peuvent pas en bénéficier. Leurs besoins et les attentes de ces dernières sont donc peu entendus. Face à ces différences réglementaires, le Samusocial de Paris a pris l’initiative de créer et développer des instances de participation pour ce public en commençant par les arrondissements ayant la plus forte concentration d’hôtels, les 18ème et 11ème.
La réalité des hôtels parisiens
Plus de 3 000 ménages, soit environ 7 000 personnes en situation d’hébergement d’urgence, résident actuellement dans des hôtels situés à Paris. Cette population est principalement composée de familles avec plus de 3 100 enfants et près de 1 000 bébés. Contrairement aux objectifs initiaux de l’hébergement social à l’hôtel, ces familles qui devraient être simplement de passage pour un hébergement à court-terme, résident en réalité en moyenne 2 ans et demi dans ces structures.
De plus, les hôtels parisiens, en comparaison avec ceux de la banlieue, sont plus petits et disposent rarement d'espaces collectifs. Il est donc compliqué de se réunir au sein des hôtels, c’est pourquoi les instances de participation se tiennent dans d’autres espaces, en partenariat avec des acteurs locaux, tels que Solidarité Roquette, Le Picoulet ou le Palais de la Femme.
Objectifs de la consultation ?
Ces consultations ont plusieurs objectifs :
- Développer d'autres instances de participation.
- Mieux connaître les personnes hébergées, mais aussi leurs attentes et leurs problématiques.
- La co-construction de projets.
- Créer des liens sociaux et faciliter l'intégration sur le territoire.
Les groupes de travail ont été lancés fin 2023. En réunissant une quinzaine de personnes par comité, cette initiative vise aussi à créer un cadre convivial et régulier, favorisant le dialogue et la collaboration entre les personnes hébergées et les acteurs locaux.
Immersion dans l’une des assemblées, à l’espace Solidarité Roquette
C’est dans la cuisine partagée que se tient cette seconde consultation du comité du 11ème arrondissement. Une quinzaine de personnes est présente, toutes des femmes, de tous âges, certaines sont là avec leur nourrisson. Après une remise en contexte de la consultation, l’ordre du jour vise à mettre en lumière les préoccupations de ces résidentes sur des sujets variés comme l’alimentation, l’accès aux soins, ou l’accès au numérique. L’atelier est animé conjointement par des agent·es du Samusocial de Paris en charge de la participation des usagers et une personne de l’Espace parisien des solidarités du 11ème.
Ainsi, un premier échange autour de la cuisine et de l'alimentation permet aux femmes de partager leurs bonnes adresses - trouvées grâce au Guide de la solidarité - et pratiques, telles que les lieux de distribution alimentaire ou l’usage de cuisines partagées et de leur fonctionnement. Chacune raconte son expérience et explique les démarches à suivre pour pouvoir profiter de ces initiatives. Des manques sont également identifiés, comme l'absence d'épicerie solidaire dans le quartier, ou encore la difficulté à trouver des produits pour bébés. Ces remontées permettent également à la mairie de l’arrondissement d’identifier les projets nécessaires.
Les discussions permettent aussi de parler de préoccupations très concrètes ; sur l’accès à la santé, par exemple, les participantes déplorent la disparition des guichets de sécurité sociale, rendant complexe le renouvellement de l’accès à l’AME ou CSS (ex-CMU). Elles pointent également le manque d'information et de sensibilisation concernant d’autres sujets, telle la gynécologie.
Le comité est un espace de partage ouvert, où les problématiques peuvent être remontées aux hôteliers de manière anonyme. Cette confidentialité rassure certaines familles qui hésitent parfois à faire part de leurs préoccupations, de peur de représailles ou de changements de lieu d’hébergement. Les femmes s’y sentent donc libres de partager les petits ou gros problèmes auxquels elles peuvent être confrontées dans les hôtels.
Perspectives
Dans un premier temps, le Samusocial de Paris va poursuivre le développement et l’animation de ces instances, dans tous les arrondissements. En parallèle, il a pour objectif de pérenniser les comités existants et de continuer à mobiliser afin de faire participer et intégrer un maximum de personnes et d’intégrer les nouve·aux·elles arrivant·es.
La volonté du Samusocial de Paris est d'institutionnaliser la participation dans les hôtels, en faire une instance régulière, et parce que leurs voix sont aussi à prendre en compte, de développer des instances de participation spécifiques aux enfants.