Chaque jour, le Samusocial de Paris a recours à plus de 50 000 places d’hôtel dans toute l’Ile de France pour mettre à l’abri les plus vulnérables. Il s’agit d’une mission de service public, et d’une obligation légale : toute personne à la rue a droit à un hébergement d’urgence.
Qui sont les personnes hébergées à l’hôtel ?
Ces plus de 50 000 personnes, soit 16 000 familles, sont pour près de la moitié des enfants, pour beaucoup d’âge scolaire, accueillis avec leurs parents, souvent une femme seule.
Les motifs de mise à l’abri dans ces hôtels sont multiples et relèvent toujours d’une urgence sociale aigüe. Celle de se retrouver à la rue se cumule par ailleurs souvent à d’autres situations d’urgence pour ces femmes, ces hommes, et ces enfants : violences, prostitution forcée, maladie ou situation de handicap, … Ces situations peuvent être des causes mais aussi des conséquences de la (sur)vie en rue, qui expose à de nombreux dangers. Par ailleurs, chaque jour, on estime à plus de 2 000 le nombre de personnes qui appellent le 115 en Île-de-France et restent sans solution, faute de places disponibles.
Le Samusocial de Paris observe également une forte hausse de la précarité des personnes âgées : plus de 15% des appelants au 115 ont plus de 60 ans ; et plus de 1 000 personnes de plus de 60 ans sont mises à l’abri à l’hôtel, souvent après une expulsion locative.
Pourquoi y-a-t-il autant de personnes hébergées à l’hôtel ?
Si 50 000 places d’hébergement à l’hôtel est un chiffre vertigineux, il est à replacer dans un contexte d’explosion de l’exclusion liée au logement en France et en particulier en Île-de-France : selon la Fondation Abbé Pierre, 330 000 personnes seraient sans domicile aujourd’hui en France, contre 143 000 en 2012.
L’hébergement à l’hôtel est le dernier maillon d’une longue chaîne de solutions de logement insatisfaisantes qui prend ses racines dans l’explosion du prix de l’immobilier en France – selon Oxfam, il aurait augmenté de 125 % entre 2001 et 2020, alors que dans le même temps, les revenus n’ont progressé que de 29 %.
Dans ce contexte général d’inflation et d’augmentation de la pauvreté en France (plus de 9 millions personnes sous le seuil de pauvreté en 2021 d’après l’INSEE), les places en logement social se font ainsi de plus en plus rares car gardées de nombreuses années par un même ménage. En parallèle, la production de logements sociaux a drastiquement ralenti : 126 000 étaient financés en 2016, contre 96 000 en 2022.
On parle alors de saturation de l’accès au logement social : un nombre croissant de personnes qui ont besoin d’un logement social car abordable, et un nombre décroissant de logements sociaux disponibles. Concrètement, ce sont 2,4 millions de ménages qui sont en attente d’un logement social en 2022.
Il convient également de souligner que l’hébergement à l’hôtel est loin d’être une solution idéale et confortable pour les ménages dont la prise en charge s’éternise : chambres très exiguës, impossibilité de cuisiner et donc de manger des repas chauds, absence d’un accompagnement social adapté sur site de manière systématique... L’impact de cette prise en charge sur les enfants, et notamment sur leur santé mentale, a été largement documentée et dénoncée par un rapport de l’Unicef, en partenariat avec le Samusocial de Paris.
Quelles solutions face à cette saturation ?
Réduire le nombre des places d’hébergement en hôtel ou en exclure certaines catégories de populations au motif de leurs droits incomplets au séjour – alors qu’être hébergé est légalement un droit inconditionnel – ne pourrait que conduire à des situations inacceptables en jetant à la rue des familles et des enfants. L’hébergement d’urgence est une première étape dans un parcours d’insertion qui doit se poursuivre vers le logement, mais aussi vers un emploi stable, un parcours scolaire complet pour les enfants. Pour autant, un hébergement, surtout de longue durée en hôtel, n’est pas une solution idéale. Il est donc impératif de prévoir la construction de nouveaux hébergements non hôteliers pour diminuer la part de l’hébergement d’urgence à l’hôtel, et de faciliter l’accès des plus pauvres au logement social.